François CAVANNA
Dessinateur humoristique, écrivain, co-fondateur et rédacteur en chef de Hara-Kiri et CHARLIE HEBDO
Charlie Hebdo, tout le monde connaît. Ou croit connaître. Cet humour si spécial, si français, si difficile à saisir pour des étrangers, dans la tradition irrespectueuse et scabreuse de l´esprit gaulois le plus pur, spécialité bien de chez nous perpétuée depuis Francois Rabelais à la Renaissance. Mais qui connait Francois Cavanna? François Cavanna qui a fondé avec Bernier, alias Professeur Choron, en 1960 Hara Kiri avant que celui-ci, définitivement interdit pour atteinte contre les moeurs, ne devienne Charlie Hebdo. Dès les débuts, les deux compères ont une idée bien précise de ce que devra être leur journal satirique: “Un mensuel d´humour qui prétend se vouer strictement à la qualité. Ce qui est bon pour nous est bon pour tous ceux que l´humour merdique imposé par les marchands de papier sale rend fous de rage. Pour les autres, la table est mise, tout est fait pour eux, calculé, rétréci, aplati, pré-mâché, merdifié pour eux dans tous les domaines. Tout pour les cons. Ils sont le nombre. Rien pour les autres… Hara Kiri, Charlie Hebdo ne s´adressent pas “à une clientèle intellectuelle où il te faut 5 ans de faculté sciences humaines derrière le cul et les oeuvres complètes de Marx, Freud et Trotzki dans la tête pour comprendre. Pas de truc pour élites”
Et pour cela ils font voeu de renoncer à l´argent.” Il faut savoir ce qu´on veut, ou faire fortune ou gagner notre vie en faisant ce qui nous plait”. Ils sont prêts à affronter tous les renoncements, toutes les poursuites juridiques, interdictions et mises à l´index qui ne tardent pas à pleuvoir sur eux en provenance des milieux qu´ils attaquent: les gens bien-pensants, la droite, la gauche, l´extrême droite, l´Eglise catholique, et cetera, avant que Charlie Hebdo ne prenne les musulmans pour cible. Mais ça, c´est beaucoup plus tard…
“L´audace nous venait de numéro en numéro, nous découvrions l´humour, nous l´inventions. Notre modeste ambition d´honnêtes artisans était de déclencher le rire par les moyens qui nous faisaient rire nous-mêmes... L´humour ne saurait être anodin. L´humour est féroce, toujours. L´humour met à nu. L´humour juge, critique, condamne et tue. L´humour ne connait pas la pitié. L´humour est un coup de poing dans la gueule. Rien n´est tabou. Rien n´est respectable. Rien n´est sacré. Principe nr 1. Pas même ta propre mère, pas même les martyrs juifs, pas même ceux qui crèvent de faim. C´est du pire qu´il faut rire le plus fort, la faim, la torture, la misère l´exploitation, la guerre… Rions de nos propres gueules. Les autres, c´est nous aussi”.
Voilà, le ton est donné tel qu´il apparaît dans les livres de Cavanna qui lui ont assuré plus de rentrées d´argent que Hara Kiri et Charlie Hebdo en leur temps. Suzanne Bohn lit des passages des oeuvres autobiographiques de François Cavanna qui se raconte: „Sorti de rien„ fils d´un maçon italien illétré et d´une femme de ménage française, il exercera quantité de petits métiers avant de devenir dessinateur humoristique pour un journal qui porte bien son nom „Zéro“ et fonder son propre journal. Ecoutons donc Cavanna raconter avec un humour foudroyant ses débuts, ses déboires, sa rencontre avec les virtuoses qui vont constituer l´équipe de Charlie Hebdo, les poursuites en justice, les mises à mort du journal, ses relevailles.
Cavanna est mort un an avant les attentats de janvier 2015 des suites d´une liaison malencontreuse avec Miss Parkinson. Il avait 90 ans.